Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility Les paprikas, on en veut d’Ankhor | Sirha Food

Les paprikas, on en veut d’Ankhor

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Sécher et moudre du poivron donne ce paprika commun, qu’on connaît sous sa forme rouge, dont on épice le goulasch et qu’on associe à la Hongrie.

Samir Ouriaghli, self-made spice boy, source, entre autres épices françaises, du paprika rouge, vert, blanc… De quoi émoustiller notre curiosité et celle des chefs.

« Négociant, je n’aime pas trop ce mot, je préfère passeur, parce que les épices, c’est plus qu’un commerce, ce sont des histoires. » Un échantillon de paprika vert (français) dans la main, Samir Ouriaghli évoque son statut de nouveau joueur sur la scène des épices françaises. Littéralement. Bébé pré-covid né fin 2019, Ankhor ne deale que des épices françaises.

Dans le Catalogue de Samir, on trouve des graines de coriandre, du carvi ou encore du poivre de Sichuan – « Les chefs (qu’il démarche d’emblée) étaient parfois surpris que j’ai autant de produits à leur faire découvrir. » Découvrir des épices, c’est ce que lui, fils de deux parents marocains, élevé à Bruxelles, a fait durant toute sa jeunesse, quand il « accompagnait son père au marché pour acheter les épices plutôt que de regarder Le Club Dorothée ».
« À l’époque je faisais les devoirs sur la table de la cuisine et c’est comme ça que je m’imprégnais de la cuisine de ma mère. Aujourd’hui, il y a des plats pour lesquels je n’ai même pas de recette, je reproduis juste les gestes. »

Du Maroc à l’Inde

Ce n’est pourtant pas cette proximité précoce avec la douce senteur du cumin ou du ras el-hanout qui va décider de son futur, mais la naissance de sa fille. La paternité soulève de nombreuses questions sur les valeurs que le quadragénaire – passé par une école de commerce, un master en politique internationale, des postes d’attaché parlementaire, en affaires publiques (comprendre lobbying) ou en relations publiques, et une année de césure (en Syrie, c’est moins commun) – souhaite transmettre à sa progéniture. « J’aimais beaucoup les concepts de liberté et de passion, mais je n’étais pas certain de les incarner ».

Un voyage sur la terre de ses ancêtres va tout changer. Lui qui
« a toujours aimé la gastronomie et les bons produits », tombe amoureux des épices sur les étals des marchés. « Je voyais les épices moulues en direct et je trouvais ça dingue, je me suis dit comment c’est possible qu’il soit si difficile de trouver cette qualité d’épice en France ». Mais alors, où trouver des épices (sourçables) de qualité ?

« On n’a pas besoin d’aller
à l’autre bout du monde ! »

Pendant deux mois il réfléchit à son projet, qu’il nourrit d’un CAP Cuisine à l’école Ferrandi. « J’avais besoin de légitimité, de ne pas me sentir comme un imposteur. » « J’ai rencontré des importateurs et des négociants en France mais ça ne me parlait pas, il n’y avait pas d’histoire derrière les produits ». Samir est allé la chercher dans le Kerala, en Inde, le « pays des épices ». Les recherches sont pénibles mais Samir se met d’accord avec plusieurs producteurs. Problème, la commande sera expédiée par avion du fait des volumes de commande trop petits. « Ça ne correspondait pas du tout ce que je voulais faire, je n’avais pas envie d’alourdir mon bilan carbone qui est déjà loin d’être parfait ». Travailler avec des producteurs d’épices français s’impose vite comme la solution.

« Je trouve toujours quelqu’un qui connaît quelqu’un. » C’est ainsi qu’il trouve son premier collaborateur, un cueilleur de thym sauvage. « C’est là que j’ai découvert que ce métier existait. » Aujourd’hui, il référence dans son catalogue une trentaine de produits cultivés par une douzaine de producteurs.

Chic et éthique

Locavorisme oblige, de plus en plus de chefs cherchent à cuisiner « du coin ». Curieusement, dans sa démarche Samir, propose un nouvel orientalisme tout ce qu’il y a de plus franchouillard puisque les produits un jour rapportés par Alexandre le Grand, premier dealer d’épices de l’histoire, poussent désormais ici. « Moi, j’ai tendance à dire que je représente les épices d’un nouveau pays : la France. C’est drôle parce que le fait qu’elles soient françaises les rend finalement encore plus exotiques, l’exotisme de la nouveauté… Quand je me suis lancé, je voulais vraiment pouvoir passer au-delà du flou et du mystère qui existent sur la traçabilité des épices. » Produire Français doit pouvoir signifier produire éthique pour celui qui fait désormais partie de la liste des fournisseurs EcoTable. « Je me suis fixé pour mission de défendre certaines plantes tel que le mélilot ou la  reine des prés, j’ai envie de dire aux gens : Regardez, on n’a pas besoin d’aller à l’autre bout du monde ! »

« J’ai fait la rencontre du père de mon producteur de paprika sur un marché parisien. Lui vendait des piments frais et en discutant il a fini par me dire que son fils venait de lancer une production de paprika. » Un coup de fil plus tard, le marchand d’épices filait découvrir le produit. « J’ai tout de suite été séduit parce que faire du paprika en France c’est surprenant. » Tout comme la palette proposée : rouge, vert et blanc . Car oui la poudre de piment doux séché qui fait la fierté de la Hongrie est rouge, mais il y a autant de nuances de paprika qu’il y de variétés de poivrons. Des poudres que lui commandent Anne-Sophie Pic (Maison Pic, Valence) et Bruno Verjus (Table, Paris), notamment. À 300 euros le kilo.

Dans la petite exploitation du Berry, le process de production est on ne peut plus simple : les poivrons sont séchés à basse température (40 °C tout de même, pas de quoi sortir la doudoune) afin de conserver un maximum de saveurs et d’arômes – « le produit n’est pas brûlé ou grillé » – avant d’être moulu. Les paprikas sont fruités et dotés d’une sucrosité inattendue. On est bien loin de la fadasserie poussiéreuse qui traîne dans tous les placards à épices de France. S’il fallait se risquer à une comparaison, on ferait le parallèle avec la douceur d’un poivron confit.

Texte & photos: Florian Domergue

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